46 milliards : c’est le tiers de la somme réclamée à Karim – Et on fait la fine bouche devant autant d’argent en refusant d’ouvrir une information judiciaire ? Pourtant, pour 25 fois moins, on s’est acharné sur Khalifa

Un gag, une vaste blague qui nous fait rigoler à nous fendre la rate ! En cette période pré-électorale particulièrement tendue où tout le monde est inquiet et redoute le pire, heureusement que l’Assemblée nationale est là pour nous dérider et nous aider à évacuer notre stress. Faut bien qu’elle serve à autre chose, à part enregistrer les volontés du président de la République et applaudir…

L’Assemblée nationale, donc, va mettre sur pied une commission d’enquête parlementaire sur l’affaire dite des 94 milliards soulevée par un de ses membres, le député Ousmane Sonko. Lequel n’a eu de cesse depuis des mois d’interpeler aussi bien l’OFNAC que le procureur de la République afin que des enquêtes soient ouvertes sur ce scandale supposé. Silence radio à tous les niveaux. Un mutisme d’autant plus étonnant que le patron de Pastef soutient que 94 milliards de francs auraient été décaissés frauduleusement du Trésor public sur la base de documents falsifiés. Somme ramenée au cours du meeting tenu à la place de l’Obélisque par celui qui est devenu entretemps candidat à la présidentielle, à 46 milliards. Bien qu’il se dise prêt à répondre à toute convocation du maître des poursuites, ce dernier ne se résout toujours pas à faire entendre aussi bien Ousmane Sonko que les autres protagonistes de ce méga-détournement annoncé. Or, même si on ne considérait que les 46 milliards supposés avoir été décaissés — le ministre des Finances jure qu’il n’y en a eu que 3,6 milliards — (soit le double de la somme pour laquelle Khalifa Sall a été emprisonné, condamné, radié de ses fonctions de maire puis déchu de son mandat de député !), cela voudrait quand même la peine d’ouvrir une information judiciaire, non ?

Or, pendant que le procureur de la République et la patronne de l’Ofnac sont aux abris, qui voit-on monter au créneau, entre autres contrefeux allumés ? Notre Assemblée nationale ! Eh oui, celle-là même qui a voté toutes les lois scélérates de l’actuel président de la République — notamment celle instituant le parrainage —, celle-là même, dominée outrageusement par l’Alliance Pour la République (APR) et qui a levé sans état d’âme l’immunité parlementaire du maire de Dakar avant de le déchoir récemment de son mandat de député, celle-là même qui vote, les doigts sur la couture du pantalon, tous les projets de lois de l’Exécutif. C’est donc cette très indépendante Assemblée nationale qui propose d’instituer une commission d’enquête pour, argumente-telle, faire la lumière sur l’affaire dite des 94 milliards.

Ce, prétend-elle, pour éclairer la lanterne des Sénégalais. Pour les embrouiller, plutôt ! Ainsi, après avoir rejeté systématiquement toutes les demandes de mise sur pied de commissions d’enquêtes parlementaires faites par l’opposition — rien que le député Mamadou Lamine Diallo en a déposé trois portant respectivement sur l’affaire Necotrans, la traque aux biens mal acquis et l’affaire Pétrotim —, autant d’affaires sur lesquelles pourtant nos compatriotes auraient aimé être édifiés, les députés de Benno Bokk Yaakar (BBY) se réveillent brusquement pour vouloir enquêter sur le scandale du TF 1451R. Gageons que c’est pour la bonne cause et au nom du droit à l’information des Sénégalais ! Il n’en est rien, hélas, car cette initiative du député Me Djibril War — un homme remarquable pourtant dont on se demande ce qui le pousse à porter un combat aussi douteux — n’a d’autre but que d’humilier un dangereux rival de l’actuel président de la République à la prochaine élection présidentielle. Un adversaire qui a pu passer à travers les gouttes et n’a pas été emprisonné comme Karim Wade et Khalifa Sall mais qui doit payer son outrecuidance de caracoler haut dans les sondages !

Alors, pour le faire chuter rien de tel que de le traîner dans la boue, le lyncher médiatiquement, car on imagine que la séance de l’Assemblée où la commission d’enquête devra faire ses auditions sera retransmise en direct au moins par la RTS et la TFM ! Encore qu’un tel exercice, qui relève incontestablement de la propagande en faveur du candidat Macky Sall, entrerait sous le coup des émissions frappées d’interdiction par le CNRA durant toute la période qui nous sépare de la présidentielle du 24 février prochain. On espère que, cette fois-ci au moins, l’ami Babacar Diagne saura prendre ses responsabilités… Il s’y ajoute que c’est bien connu que, quand on veut enterrer un problème, on créée une commission (d’enquête parlementaire pour ce coup-ci). Dans tous les cas, et c’est le moins que l’on puisse dire, les initiateurs de cette commission ne veulent pas que du bien à leur collègue Mamadou Lamine Diallo. Et puis, étant eux-mêmes partie dans cette affaire — le principal accusé est un membre éminent de l’APR et le lanceur d’alerte gêne électoralement le patron de leur coalition —, on voit mal de quelle neutralité pourraient se prévaloir les députés du groupe BBY pour prétendre auditionner le candidat Ousmane Sonko (qui a quand même eu le mérite de porter ce scandale sur la place publique !).

Autant de choses qui font que ce dernier gagnerait à se concentrer sur sa campagne électorale et traiter par le mépris ses adversaires initiateurs de cette idée loufoque de création de commission d’enquête consacrée à l’affaire des 94 ou 46 milliards. Quarante-six milliards : Tiens, c’est le tiers de la somme que le Trésor public réclame à Karim Wade. Et on fait la fine bouche devant autant d’argent en refusant d’ouvrir une information judiciaire ? Pourtant, pour 25 fois moins, on s’est acharné sur Khalifa Sall, on l’a humilié, emprisonné, détruit, empêché de se présenter à la présidentielle. Et même pas une commission d’enquête parlementaire sur les accusations fallacieuses portées contre lui à l’époque !

SENEPLUS

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