Depuis la présidentielle de 1988 avec ses 04 candidats, jamais élection n’aura connu un aussi petit nombre de prétendants à la magistrature suprême.

La présidentielle du 24 février 2019 est bien partie pour contraster avec tous les scrutins qui se sont déroulés au Sénégal, depuis une trentaine d’années. Et pour cause, le filtre du parrainage étant passé par là, la rationalisation des candidatures semble consacrer le retour à l’orthodoxie pour le nombre de prétendants au fauteuil présidentiel.

Depuis la présidentielle de 1988 avec ses 04 candidats, jamais élection n’aura connu un aussi petit nombre de prétendants à la magistrature suprême. Le quinté qui semble se dégager pour 2019 est sans commune mesure avec les 08 candidats de 1993, les 7 de 2000, les 15 de 2007 et les 14 candidats de 2012. Qui plus est, le scrutin de février se fera sans la participation des candidats du Ps, de l’Afp, et/ou de gauche, omniprésents dans la scène depuis toujours. Que dire d’autre de la fenêtre ouverte pour les candidatures féminines en 2012, avec Diouma Dieng et le Pr Amsatou Sow Sidibé, barricadée en 2019 ? Ou même de cette prédominance de bleus à une présidentielle où le chef de l’Etat lui-même ne comptabilise qu’un seul scrutin, comme candidat quoique bienheureux !

2019 OU LE RETOUR A «L’ORTHODOXIE» DU NOMBRE DES CANDIDATS !

La présidentielle de 2019 s’annonce comme l’une des plus inédites dans l’histoire politique du Sénégal. En effet, après l’explosion des candidats notée lors des derniers scrutins, notamment depuis la présidentielle de 1993, notre pays est en passe de consacrer une sorte de «retour  à l’orthodoxie » avec un nombre limité de prétendants au fauteuil présidentiel comme c’était le cas lors des élections présidentielles qui ont suivi l’avènement du multipartisme intégral, notamment celles de 1983 et 1988. Lors de ces deux rendez-vous, le Sénégal n’avait pas enregistré plus de cinq candidats, y compris le président sortant.

En 1983, le président Diouf qui était ainsi à sa conquête d’une légitimité populaire après avoir été installé au pouvoir par le président Senghor avait en face de lui quatre candidats de l’opposition dont Abdoulaye Wade, Mamadou Dia du Mdp, Oumar Wone du Pps et Majhemout Diop du Pai. Réélu avec plus de 73% des voix, il fera face à nouveau, lors de la présidentielle du 28 février 1988, avec seulement trois candidats soit un nombre de candidats moindre qu’en 1983. Il s’agissait, entre autres, de son éternel opposant Abdoulaye Wade du Pds, de Babacar Niang du Parti pour la libération du peuple(Plp) et de Landing Savané du Mouvement révolutionnaire pour la démocratie nouvelle/And-Jëf (Mrdn). Mais, en 1993, cette donne change suite à plusieurs facteurs dont les événements de 1988 et le Code électoral consensuel de 1992. De quatre candidats, on est passé à huit lors de la présidentielle du 21 février 1993. Remportée par le président Diouf avec un score de 58% devant 7 candidats de l’opposition, cette élection avait aussi vu la montée en puissance du leader de l’opposition, Abdoulaye Wade crédité de 32,03% des voix.

En 2000, la présidentielle qui s’est déroulée en deux tours (27 février et 19 mars) et qui a consacré la première alternance démocratique et pacifique à la tête du pouvoir exécutif a enregistré un nombre de 7 candidats. Seulement, ce nombre va exploser lors de la présidentielle de 2007, la première sous l’ère post-alternance en passant de 07 à 15 candidats dont trois indépendants. Mais, en 2012, une légère baisse est notée au niveau du nombre des candidats retenus par le Conseil constitutionnel qui n’a validé que 14 dossiers pour ce scrutin sur les dix-sept déposés. Aujourd’hui, si les événements actuels se précisent, on va certainement vers une présidentielle avec un nombre très limité de candidats en face du président sortant. Cela, du fait du système controversé du parrainage, introduit dans le Code électoral sans le consensus des acteurs et qui a été à l’origine de l’invalidation par le Conseil constitutionnel de plus d’une vingtaine de dossiers de candidatures sur les 27 déposés.

QUAND LA PRESIDENTIELLE RIME AVEC L’ABSENCE DES GRANDS PARTIS : PS, AFP… !

La présidentielle de février prochain va aussi avoir ceci de spécifique dans l’histoire politique du Sénégal qu’en lieu et place d’une compétition incluant des candidats issus des partis politiques traditionnels comme le Ps, l’Afp, le Pit, la Ld, le Rnd, Aj/Pads, peut-être même le Pds, on va assister cette fois à une élection qui opposera des formations politiques nées de flancs de ces partis historiques, avec en arbitre des formations politiques toutes nouvelles dans le champ politique. La décision du Ps sous l’égide d’Ousmane Tanor Dieng, de l’Afp de Moustapha Niasse de poursuivre leur compagnonnage avec Macky Sall et Bennoo Bokk Yaakaar est passée par là. Au même titre que l’invalidation par le Conseil constitutionnel dans sa liste provisoire de la candidature du Pds ! Cette situation est d’autant plus inédite qu’elle ne concerne pas que le Ps, l’Afp et le Pds, éternels rivaux sur le terrain politique depuis 1978. En effet, l’absence de toutes les formations politiques d’obédience gauche, souvent considérées comme des faiseurs de roi, est également notée pour la présidentielle à venir. La plupart de ces formations sont aujourd’hui vampirisées voire phagocytées par la majorité présidentielle Bennoo Bokk Yaakaar.

LA PRESIDENTIELLE DES BLEUS

L’absence au scrutin présidentiel des partis traditionnels (Ps, Afp) a laissé le champ libre à des candidats qui se présentent pour la première fois à une élection présidentielle, après leur validation dans la liste provisoire du Conseil constitutionnel. A l’instar d’Ousmane Sonko, leader du Pastef, de Madické Niang de la coalition « Madické 2019 » et Issa Sall du Pur (Parti pour l’unité et le rassemblement). Connu à travers ses positions tranchées à l’Assemblée nationale où il siège comme député,  le leader du Pastef est considéré par certains comme la révélation de cette présidentielle. Quant au dernier ministre libéral des Affaires étrangères Madické Niang, il a osé défier son mentor, Me Wade, qui mettait en avant la candidature de son fils, Karim Wade, provisoirement écarté de la course par les « 7 Sages ». Le Pur,  très proche de Serigne Moustapha Sy, a lui fait une irruption notable dans le champ politique au point de détrôner les cadors du landerneau politique. Ces novices ou bleus à la présidentielle ont fini de marquer les esprits en passant l’épreuve du parrainage avec au moins 0,8 de signatures de l’électorat. Ces candidats qui seront donc à leur première participation à la présidentielle vont faire face à Idrissa Seck de Rewmi qui comptabilise déjà 2 scrutins présidentiels (2007 et 2012) et Macky Sall, candidat de Benno Bokk Yaakaar qui n’a à son actif qu’un…seul scrutin (2012). Et même en cas de validation, dimanche prochain, des candidatures de Karim Wade et Khalifa Sall, la donne ne changerait pas, puisque ceux-ci aussi sont de parfaits bleus à la présidentielle.

LA GENT FEMININE, SUR LE BANC DE TOUCHE !

La gent féminine a été « recalée » pour la présidentielle de février 2019. En effet, aucune femme ne figure sur la liste provisoire des candidatures validées par le Conseil constitutionnel, le 14 janvier dernier. La rude épreuve du parrainage a laissé Me Aïssata Tall Sall du mouvement « Osez l’avenir », Pr Amsatou Sow Sidibé de « Car Leneen » et Aida Mbodj de l’Alliance nationale pour la démocratie sur le banc de touche. La première a déposé 56 138 signatures, mais n’a pu valider que 10 129 contre 46 009 rejets pour autres motifs. Ses doublons se chiffrent à 6 234. La deuxième a soumis 64 479 parrainages pour se voir retourner 50 799 d’entre eux. Quant au Pr Amsatou Sow Sidibé, son dossier a été déclaré tout simplement inexploitable, à cause d’une clé USB en mauvais état. Ces résultats ont ainsi exclu d’office ces trois candidates, pourtant très bien connues dans le landerneau politique, de la prochaine joute présidentielle. La présidentielle de 2019 contraste ainsi avec celle de 2012 où deux femmes, à savoir la styliste Diouma Dieng Diakhaté et Pr Amsatou Sow Sidibé, avaient brigué, une première dans l’histoire politique du pays, le suffrage des Sénégalais malgré leur maigre score.  A l’époque, Pr Amsatou Sow Sidibé avait obtenu 5167 votes alors que Diouma Dieng Diakhaté avait réalisé un score de 3354 voix. Au deuxième tour, elles avaient apporté leur soutien au candidat Macky Sall qui a finalement évincé Abdoulaye Wade. Auparavant, en 2000, Marième Wane Ly de Parena avait tracé le sillon d’une candidature féminine à la présidentielle avant de jeter l’éponge et de se ranger derrière Moustapha Niasse. Pour 2019, Yacine Fall et Nafissatou Wade qui avaient annoncé leurs candidatures, renonçaient à la course, elles, avant même l’épreuve du parrainage.

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