A Tivaouane, où il gère le daara de son grand-père Seydi El Hadji Malick, celui qu’on appelle ‘’Ndiol Fouta’’ a axé sa vie sur le Coran – Fils de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh et de Sokhna KhaSerigne Babacar Sy suit les traces de son père

Son nom est un quitus. Sa science, une garantie. Sa vie, un label. Serigne Babacar Sy, plus connu sous le nom de Serigne Mbaye Sy Abdou est un digne petit-fils de Seydi El Hadji Malick Sy, fils du troisième khalife général des Tidianes, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, homonyme de son oncle Serigne Babacar Sy, premier khalife de Maodo. Serigne Mbaye s’est abreuvé à la bonne source, celle de ces trois hommes de Dieu. L’homme est célèbre et célébré pour ses prêches mémorables que pour son exceptionnelle capacité pédagogique. Depuis plusieurs années, il tient de fort belle manière les rênes du daara de son grand-père Seydi El Hadji Malick Sy, dans la zawiya éponyme à Tivaouane.

Le vœu de Dabakh exaucé par son fils, Maodo en témoin

L’histoire qui commence dans les années 80 est racontée par Cheikh Oumar Sy Djamil, neveu de Serigne Mbaye Sy Abdou : « Au début des années 80, Serigne Mbaye Sy, jeune étudiant de l’Université Quarawiyine à Fez au Maroc était venu en vacances d’été à Tivaouane. À ce moment, il sentit avoir amassé suffisamment de connaissances, il alla alors rencontrer son père pour lui annoncer qu’il ne voulait plus retourner au Maroc et qu’il préférerait rester à à Tivaouane, au Daara de Seydil Hadji Malick Sy pour perpétuer son legs. » La joie de Dabakh est immense, un de ses vœux les plus chers venait d’être réalisé par son fils. Lequel avait entendu, il y a quelques années, son père formuler le souhait de voir, un jour, un des enfants de la famille Sy de Tivaouane, lui succéder dans la gestion pédagogique et administrative de cette école de savoir, héritage de Mame Maodo. Mais Mame Abdou Dabakh prit le soin d’informer son fils qu’il venait de prendre une lourde décision et qu’il voudrait prendre à témoin Seydil Hadji Malick Sy. Il prit alors la main de son fils et ensemble, ils irent se recueillir devant le mausolée de Mame Maodo où le père demanda au fils de répéter son intention. Serigne Mbaye Sy répéta sans hésitation, ni ambiguïté : « Oui je veux rester à Tivaouane m’occuper du Daara, laissé en héritage par Seydil Hadji Malick Sy. »

Ndiol Fouta, ce surnom qui lui colle à la peau sans l’agréer

Depuis ce jour, il ne quitta plus ce lieu de culte et de connaissance. Entre Serigne Mbaye sy Abdou et son défunt père, le pacte est signé. Le fils de Dabakh a ainsi ancré toute sa vie dans l’enseignement coranique et la sunna prophétique. A telle enseigne qu’à la cité religieuse, on se voit servir la même la réponse quand on demande de ses nouvelles : « Mi ngi Zawiya Seydi El Hadji Malick, ci daara ja » (Il est à la Zawiya, à l’école coranique). Des milliers de Talibés y tentent de maitriser le Coran. Un concert polyphonique, fait d’une symphonie de voix enfantines, se crée autour de valeureux maîtres coraniques. Serigne Mbaye Sy Abdou est communément appelé « Ndiol Fouta », en raison de sa grande taille et surement en souvenir de ses brillantes études à Thilogne dans la région de Matam au nord du pays. Un surnom qui lui colle à la peau, mais qui ne l’agrée guère. Son neveu Cheikh Oumar Sy Djamil raconte : « Un jour, après avoir observé pendant quelques minutes que Serigne Mbaye ne répondait pas aux interpellations par ce pseudonyme, Mame Abdou avertit l’assistance : « D’autant plus qu’il ne réagit pas lorsque vous dites « Ndiol Fouta », je vous supplie de ne plus l’appeler ainsi. Je lui ai donné le nom de mon frère, ami et marabout, Serigne Babacar Sy et par ce nom, je voudrais que vous vous adressiez à lui ». Malgré cela, ce nom le suit comme son ombre. Avec son allure élancée rappelant celle de Mame Maodo, cet intellectuel arabophone, privé des années glorieuses de Tivaouane a passé onze années de sa jeunesse à Thilogne, au Fouta, pour être formé auprès du grand érudit Seydi Thierno Abdou Khadre Ly, en compagnie de son jeune frère, Serigne Cheikh Tidiane Sy.

“Sy” proche de son père

L’autre particularité de Serigne Mbaye, c’est sa propension, à chacune de ses sorties, à raconter des anecdotes de son défunt père. C’est le cas lorsqu’il révèle comment Dabakh lui a appris à contenir sa colère et à maitriser ses nerfs. Serigne Mbaye Sy Abdou : « Un jour, un homme s’est présenté devant Mame Abdou en proférant des menaces et débitant des mots assez déplacés. Sentant mon visage se rétrécir et prêt à en découdre avec lui, Serigne Abdou m’ordonna quelques heures après d’aller chercher des denrées alimentaires et m’intima l’ordre d’aller les charger moi-même dans le véhicule. Ce que je fis avec beaucoup de plaisir et d’enthousiasme. Ensuite, il me demande de l’accompagner. Je ne m’attendais pas à ce que Mame Abdou s’arrêta devant la maison de la personne qui avait osé le défier chez lui. Il me fit comprendre ensuite que je devais décharger moi-même ces vivres chez la personne impénitente. Depuis ce jour, mon père a ôté de moi tout sentiment de haine pour mon prochain. » Un viatique sur lequel, il s’appuie dans ses actes de tous les jours. Sans surprise ! Serigne Mbaye Sy est le fils bien-aimé de Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh, le guide religieux qui était doté d’un ascétisme et d’une bonté chantés de toutes les voix de ce pays.

Des prêches sous forme de conférences publiques très interactives

On a connu Serigne Babacar Sy, avec son légendaire bonnet carré. Il y a aussi son homonyme et neveu, qui ne se départit jamais de son « Laafa Banjul », communément appelé « Cabral » en hommage à l’homme politique de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert. Fabriqué en République tchèque, ce bonnet en laine bordé de carreaux zigzagants, est arboré avec une rare élégance par Serigne Mbaye Sy Abdou, en public comme dans l’intimité, en cérémonie ou au milieu de ses élèves. De sa démarche altière, il en fait un usage continu.

A en croire ses proches, l’humilité, la mansuétude, la sagesse, la fidélité, le « kersa » (pudeur) à la limite de la timidité, sont les traits de caractère les plus connus chez Serigne Mbaye. L’homme a un seul souci : préserver un statut sincère du Musulman sénégalais qui se caractérise par le respect des parents, la tolérance, la droiture et un sens élevé de l’abnégation. En attestent ses questions fétiches lors de ses multiples prêches : « Sommes-nous de véritables musulmans ? » Ou alors : « Nous disons souvent que la population sénégalaise est composée de 95% de Musulmans, est-ce vrai ? » Celles-ci, d’une haute facture intellectuelle, ont la particularité de se faire sous forme de conférences publiques très interactives. C’est devenu une habitude de se prêter à un jeu de questions-réponses entre ses interlocuteurs et lui, sur la pratique religieuse. Ses vidéos d’enseignement sur les recommandations divines inondent les réseaux sociaux. Avec une voix mélodieuse, il lui arrive également de chantonner les qasidas (éloge panégyrique) des grands érudits de Tivaouane, rivalisant ainsi avec les chanteurs les plus connus de notre époque. Une de ses occupations quotidiennes est de reconstituer la bibliothèque de référence de son grand-père Seydil Hadji Malick Sy.

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